Le jour et la nuit s’adonnaient à leur brève et éternelle alliance. Les derniers rayons dardant du soleil se dissolvaient dans l’océan, tandis que la lune s’élevait doucement dans le ciel, assortie de Vénus.

Nous étions silencieux, jambes ballantes, assis sur le muret du remblai face à l’océan. Nos deux visages tournés vers l’horizon, nos yeux embrassant la pureté du moment.

Portés par la brise parvenaient le brouhaha de la fête foraine ; la plage avait été abandonnée pour ses fantaisies éphémères.Seul la fracture métallique des vagues sur le sable animait le silence.

Comment nous nous étions retrouvés là, tous les deux, je ne sais plus. Nous étions plusieurs à la fête foraine et voilà que la vie nous avait amenés là, lui et moi. Rien ne présageait que nous puissions nous rapprocher. Nous n’avions été présentés que vaguement ; il ne m’avait fait aucun effet particulier.

Je commençais à ressentir de la gêne. Partager ce moment presque intime avec un inconnu me perturbait. Je proposais de marcher sur la plage. « Bonne idée ! » s’exclamât il. Le ton de sa voix était trop enjoué, il manquait de naturel. Eprouvait il la même gène que moi ? Ou bien était-il perdu dans des pensées étrangères au présent ?

Cette intimité inattendue nous engagea à échanger quelques banalités, mais le silence reprit vite le dessus. Chacun marchait de son côté. Il semblait effectivement agité par des pensées, je n’osai le déranger.

Je me rapprochais de l’eau, laissais l’écume caresser mes pieds. Un sentiment de paix intérieur m’envahit. Le clapotis des vagues, la brise légère qui caressait mon visage et qui portait le parfum des pins, la voute céleste et l’océan entrelacés, tous prenaient une dimension quasi mystique et pénétraient mon être.

L’astre blanc maintenant plus haut dans le ciel resplendissait dans l’océan, le parant d’éclats d’argent. Les étoiles une à une magnifiaient le ciel. Je me sentais bien, j’éprouvais le sublime. Un frisson me parcourut. Sans que je n’aie émis la moindre demande un pull vint recouvrir mes épaules. Je sursautais, j’avais presque oublié sa présence.

Depuis combien de temps était-il près de moi ? Ce n’était pas le froid qui m’avait prise et pourtant son geste tendre m’émut. Je me retournais vers lui, il me sourit. Là je le découvris.

Ses cheveux bouclés ondoyaient, ses yeux brillaient comme les astres dans le ciel. Son odeur encore chaude de soleil enivra mes narines et son sourire tendre m’ébranla. Il ne portait plus qu’une chemise simple de coton fin couleur de nuit. L’étoffe transparente laissait voir sous l’éclat de la lune une toison légèrement blanche, éparse sur son buste.

Dans mon esprit des images se bousculèrent. Mes mains se promenant sur son torse, sentant les palpitations de son cœur. Mon nez se perdant dans sa nuque. Ma bouche contre ses lèvres charnues inspiratrices de baisers.

Et je fantasmais le reste encore caché de mes yeux. Mon sentiment de paix intérieur se muait en désir sensuel. Mon âme et mon corps étaient soudainement pris dans une tourmente passionnelle.

Pendant que je divaguais il avait retiré ses chaussures et laissait à son tour l’écume jouer avec ses pieds. Je voulais prendre sa main et l’entraîner avec moi dans ma fougueuse appétence. Puis un instant je fus la proie du doute. Oui, mais… Et s’il se dérobait ? Rien ne pouvait sincèrement me laisser croire que je pus lui plaire.

À trop penser on s’affaiblit et l’instant peut se dépouiller de son charme. Il fallait que quelque chose se passe avant que je ne me fasse engloutir par le scepticisme et que se dissipe ce précieux moment. Je pris une profonde respiration. Faire l’amour maintenant serait merveilleux. Être là dans cet instant sublime m’émouvait déjà beaucoup. Je marchais quelques pas et fis un tas sur le sable avec mes chaussures, mon pantalon, son pull, mon tee-shirt et ma culotte. Je ne songeais plus seulement à lui, j’étais aussi prise par le désir de me baigner et de me fondre dans l’océan. S’il ne voulait pas partager le plaisir de la chair avec moi au moins les flots étancheraient ma soif de tendresse par leurs douces caresses.

J’avançais tranquillement dans l’eau jusqu’à la taille. Elle était encore bonne, s’y enfoncer était agréable. Mon désir de sensualité ne s’estompait pas mais il reprenait une forme plus en harmonie avec le moment présent. Je n’attendais rien, je me sentais de nouveau bien. Je me retournais vers la plage. Mon compagnon du soir finissait son tas de vêtements à coté du mien. Il s’avança dans l’eau vers moi tout aussi nu que je l’étais. Je ne pouvais pas tout distinguer de son corps mais je crus percevoir qu’il bandait.

Lorsqu’il fut près de moi, je pris sa main et nous nous enfonçâmes un peu plus dans les flots jusqu’à y plonger, sans nous lâcher. Je n’eus plus aucun doute quant au caractère sensuel de ses sentiments pour moi. En surface nos yeux se rencontrèrent, nos sourires furent les messagers d’un moment fugitif et complice. J’attrapais sa nuque délicatement et portais ma bouche contre la sienne.

Nous nous enlaçâmes et dans l’onde, sous l’immensité de la voute céleste, nous ne fîmes plus qu’un.