Le carillon de la porte d’entrée retentit. J’ai relevé la tête alors qu’un homme s’approchait du comptoir. Ses yeux brillant croisèrent les miens. Nos regards s’entremêlèrent. Cet instant furtif suffit à me gêner et je balbutiai « Bonsoir ». Il eut un moment d’hésitation et demanda quelles étaient les prestations du hammam.


Le carillon de la porte d’entrée retentit. J’ai relevé la tête alors qu’un homme s’approchait du comptoir. Ses yeux brillant croisèrent les miens. Nos regards s’entremêlèrent. Cet instant furtif suffit à me gêner et je balbutiai « Bonsoir ». Il eut un moment d’hésitation et demanda quelles étaient les prestations du hammam.
Je lui tendis une brochure et lui donnais quelques indications. Je me sentais irrésistiblement attirée par lui.
Il demanda un gommage et un massage. Je quittais le comptoir, et l’engageai à me suivre. Mon coeur bâtait vite. C’était la première fois que je rencontrais cet individu mais je le désirais comme si je n’avais attendu que lui. C’était plus fort qu’un coup de foudre ; c’était une évidence qui se présentait.
Il y avait de la douceur derrière sa barbe du jour. Il semblait vif et sensible malgré ces traits tendus. Ses cheveux sombres s’aplatissaient sur son crâne. Il portait un gros blouson de cuir un peu élimé et un jean. Je crus déceler sur son visage un certain émoi.

Je l’accompagnai aux vestiaires en passant par le salon de repos, lui donnai peignoir, serviettes et chaussons, lui indiquai les douches et toilettes et l’accès au hammam lui précisant que gommage et massage se pratiquaient dans la première partie du hammam et que dans seules les deux autres parties il pouvait être nu. Je tachai de ne pas trop croiser son regard cela me remuait trop, et il ne chercha pas plus le mien.
L’ayant quitté je retournai à mon poste et m’assis un instant. L’émotion trop forte opprimait mon ventre. Le sentiment était difficilement exprimable par des mots, mon esprit était confus. Une seule phrase raisonnait « Vas y ! Tente. »
Je pénétrais dans la première salle du hammam et filais voir mon collègue, et m’empressais de l’informer de mon désir de m’occuper du client, le sexy, la quarantaine, brun, qui allait arriver. Non sans avoir esquissé un sourire il accepta.
L’espace était sombre et moite. Il n’y avait guère que deux clients qui profitaient du bassin. Je me fondis dans le décor, déambulai discrètement. Le parfum d’eucalyptus, se mêlait par endroit à celui des onguents. Dans l’éther voluptueux je me sentais à l’abri pour observer.

Je le vis entrer. Il portait noué à la taille un pagne de coton fin. Sa démarche était assurée, son torse vigoureux, ses bras étaient souples, ornés d’épaules élargies par la force de l’âge, et ses fesses rebondies. Ses muscles ne saillaient pas mais il dégageait de la puissance.
Il s’allongea sur le carrelage, sur le dos, un genou plié. Se dévoila devant moi ces jambes brunes aux chevilles robustes. La cuisse assez épaisse, presque nue, offrait à mon point de vue ce qu’il fallait pour attiser la curiosité. La toison de son buste dessinait un chemin soyeux propice à l’exploration. Mon regard s’imprégnait de lui. Je pouvais envisager quelles parties de son corps j’allais effleurer ou assouplir. Quelles parties allaient m’enivrer ou m’embraser.
Dans la moiteur son corps commençait à luire, son pagne s’humidifiait, le pubis transparaissait. Je me fantasmais en goutte de sueur perlant de sa gorge, me frayant un chemin sur son torse et par le rythme lent de sa respiration m’immiscer dans son bas ventre. Mon voyage s’interrompit il se leva, et partit dans les parties plus chaudes.
Il disparut de ma vue.
Lorsqu’il réapparut son pagne collait entièrement à sa peau. Le linge était si fin que les contours de son sexe imprégnaient la toile, et la ligne de ses fesses l’épousait parfaitement.
Un jeune homme s’appliqua à faire au savon noir un nettoyage en profondeur de sa peau. De temps en temps un seau d’eau venait s’échouer sur son corps. Je n’étais plus de sueur mais d’eau, et je voyageais sur sa peau vers les désirs invisibles.
Puis mon bel inconnu retourna suer. Je le suivais toujours discrètement du regard. Mais de la première salle il passa à la deuxième. Il m’échappait de nouveau. J’allais préparer du thé.
L’éloignement avait calmé mes sens mais mon esprit vagabondait. J’attendais le moment où j’irai malaxer sa chair, je l’imaginais déjà sous mes doigts.

La clochette finit par retentir. Le désir précipitait mes pas et dans le même temps je ne cessais de me répéter comme un mantra « ceci est un massage, ceci est un massage, ceci est un massage… ».
Il était allongé sur le dos, le corps recouvert d’une serviette, les yeux fermés. Je le saluais et lui demandais confirmation du choix d’un massage relaxant. Sans me voir Il étira ses bras et confirma. Dans sa voix raisonnait la soif d’une détente totale. Je réchauffais mes mains et les imbibait d’une potion aux notes apaisantes et sensuelles.
J’inspirai longuement. Le fait de toucher sa peau allait raviver mes sens. Son corps athlétique que j’avais contemplé tout à l’heure allait se détendre sous mes caresses.
Je commençais par un pied, récitant intérieurement mon mantra. Je me concentrais sur cette zone riche de terminaisons nerveuses, m’appliquais à préparer la détente. Je remontais à sa cheville, effleurais fermement le mollet, puis sa jambe. Les muscles étaient secs et dessinés, je sentais sous mes doigts sa chair ferme. Mes sens avaient convoitée cette chair enfin je m’y aventurais. Je massais les deux pieds et jambes en remontant vers son cœur, sans trop m’égarer sous la serviette de peur de m’y perdre.

Lorsque je découvris son buste il m’apparût comme un chemin de croix à parcourir. Comment mes mains allaient elles composaient pour ne pas devenir tendres ou bien animales ? Je les posai délicatement à plat sur son ventre. Je ressentis sa chaleur, elle raisonna dans mes propres entrailles. Nos respirations fébriles s’accordèrent. J’effleurai sa peau en cercles larges. Mes doigts se perdaient dans la toison, je frôlais son pubis en manœuvre lente. Puis je remontais sur sa poitrine massant délicatement et renforçais le mouvement de mes mains sur sa nuque. J’affrontais une terre étrangère terriblement ensorcelante.
J’ordonnais ma tête, récitais mon mantra.
Chaque infime muscle de ses bras se déroula sous mes doigts. Ses muscles ne saillaient pas mais ils étaient là, puissants et disponibles. Disponibles pour répondre à l’effort, pour s’y lover. Ses mains étaient larges, de bonnes pognes. Je l’imaginais aventurier parcourant les océans, affrontant des tempêtes.
J’abrégeais et lui demandais de se retourner.
Son dos tacheté de soleils bruns m’explosa au visage. Je vis le marin qui enfin s’est arrêté au port. Fébrilement je tendis mes mains vers sa nuque. J’épousais ses contours, glissais sur les épaules. Sa peau propre luisait sous mes mains. Je caressais d’abord puis malaxais plus en profondeur le haut de son dos. Mes doigts transformés en griffe de chat détendaient la chair. Ses épaules larges me transportèrent dans un coin sombre du port. Il ronronna. Puis ses reins me provoquèrent. Je les enveloppais de mes mains. Mais en pensée je mordais, là, dans le creux. Ce creux tendre. « Ceci est un massage, ceci est un massage, ceci est un massage… » Je continuais de masser jusqu’à ses fesses, m’abstenant de découvrir la chair.
Chaque millimètre de sa peau provoquait une étincelle dans mon ventre. Pas une partie de ce corps n’avait échappé à mon imagination. Je vivais un moment mêler de confusion et de volupté.
Il restait le visage.
La pulpe de mes doigts effleura délicatement son front, son nez, ses joues, les pourtours de son visage. Je contemplais ses traits, marqués par le temps et la vie. Sa figure s’apaisa, sa bouche s’entrouvrit. L’expression lascive de son visage me fit comprendre que j’avais réussi ma mission et attisait aussi ma convoitise. Cette bouche charnue trouvait mille attraits. Ses yeux s’ouvrirent lentement pour se refermer, et se rouvrirent troublés sur moi. Il souffla « Merci » presque honteusement.
Je laissais mon aventurier seul avec lui même.

Je regagnais fébrile le vestiaire. Cet emploi m’avait épuisé les nerfs et le corps. Quel instant palpitant, si intense que les mots ne pouvaient l’exprimer. Il n’était pas possible de laisser s’étouffer cette envie charnelle hors de la compréhension.
Je errais tel un fantôme à sa recherche et le trouvais en salle de repos, il sirotait un thé l’air songeur. A quoi songeait il ? A moi ? Je le sortis de sa rêverie, lui demandais s’il désirait quelque chose. Un peu hésitant il répondit que non. Je mis sa réponse sur le compte de la timidité ne pouvant viscéralement pas me résoudre à réprimer l’évidence. Il me restait une chance, je pouvais encore le croiser à la sortie.
Au comptoir mes pensées gouvernaient toujours confusément. Je retournais dans mon esprit cet événement, le bouleversement qu’il produisait. Toutes ces sensations sous mes mains. Le grain de sa peau, ses muscles, son gras par endroit, la maturité de ses épaules, la force de ses bras, les caresses que j’avais disciplinées, les morsures que j’avais refreinées, les griffures que j’avais bridées, les étreintes que j’espérais. J’imaginais mille discours pour tout lui dire. Je rêvais tant que lorsqu’il s’adressa à moi je sursautais et poussais un petit cri. Il sursauta à son tour. Il s’excusa de m’avoir effrayée, je m’excusai d’en avoir fait de même. Cela le fit rire.
Et puis après un court silence chacun commença une phrase qui chevaucha l’autre. Il sourit et me proposa de m’exprimer. Sa prestance cachait une certaine timidité. Je pris une profonde inspiration et lui dévoilais tout mon sentiment avec tout ce qu’il avait de sauvage et d’incongru. Je fus sans doute un peu gauche mais j’allais au bout de ma certitude. Il avoua que je n’aurais pas mieux exprimé ce qu’il ressentait lui-même et qu’il était ravi que j’eusse pris la parole en premier, il craignait que je le prenne pour un dragueur. Je lui donnais mon 06.